Tout vendeur d'un bien est en principe tenu d’une garantie «à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus». Cette garantie est appelée garantie des vices cachés.
Sauf à ce qu’une clause exonératoire/limitative de garantie puisse être à bon droit opposée, le (sous-)acquéreur d'un bien dispose en justice d’une action rédhibitoire (en résolution), et/ou estimatoire (diminution du prix) et/ou indemnitaire.
Sans évoquer ici le régime spécifique applicable en cas de vente d'un immeuble à construire, l'article 1648 (al.1) du Code Civil précise que l'action en garantie des vices cachés «doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice».
Dans un «souci d’unification de la jurisprudence» de ses différentes chambres pouvant être appelées à se prononcer en cas de contentieux en matière de garantie des vices cachés (première et troisième chambre civile, chambre commerciale), et aux fins de «renforcer la sécurité juridique», la Cour de cassation a décidé de se réunir en chambre mixte pour fixer certaines règles concernant la prescription applicable pour l'action en garantie.
Dans le cadre de quatre arrêts rendus le 21 juillet 2023, assortis d'un communiqué officiel, la chambre mixte de la Cour de cassation a fixé les règles suivantes.
Règle 1. Le délai de deux ans pour exercer une action en garantie des vices cachés est un «délai de prescription» et non de forclusion (arrêt n°21-15809). Le délai de deux ans peut donc être suspendu, en particulier lorsqu’une mesure d’expertise judiciaire est ordonnée. La Cour de cassation estime en effet que l'objectif poursuivi par le législateur est de permettre à tout acquéreur, «consommateur ou non, de bénéficier d'une réparation en nature, d'une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d'un vice caché». Un acquéreur doit donc «être en mesure d'agir contre le vendeur dans un délai susceptible d'interruption et de suspension» (arrêt n°21-15809, point 17).
En pratique, le délai de deux ans pour intenter l'action en garantie des vices cachés est ainsi interrompu par une assignation en référé-expertise, en application de l'article 2241 du Code Civil.
En outre, le délai de deux ans est suspendu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'expertise, en application de l'article 2239 du Code Civil. Le délai de deux ans recommence à courir «à compter du jour où la mesure a été exécutée», c'est à dire à la date du dépôt du rapport de l'expert (arrêt n°21-15809, point 19).
Règle 2. Pour engager une action en garantie des vices cachés, un acquéreur doit saisir la justice dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (ou, en matière d'action récursoire, à compter de la date à laquelle il est assigné), mais aussi dans un délai de vingt ans à compter de la date de la vente du bien concerné, en ce compris pour un litige entre deux professionnels, en application de l’article 2232 du Code civil. La Cour de cassation souligne que le délai de vingt ans constitue le «délai butoir» de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées.
Dans son communiqué, la Cour de cassation précise que ces règles s'appliquent pour une«vente simple ou intégrée dans une chaîne de contrats», mais aussi «quelle que soit la nature du bien».
L'action en garantie des vices cachés reconnue à l'acquéreur d'un bien immobilier est ainsi concernée, notamment.
Les règles fixées s'appliquent également lorsqu'un constructeur ou entrepreneur du bâtiment appelle en garantie (action dite récursoire) un fournisseur ou fabricant de matériau, sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Source : Alertes et conseils immobilier